Expositions inspiration mixed-media

Cette semaine, le ciel gris m'a incité à me rendre dans deux expositions :
Bonnard au musée de Lodève
Buraglio au musée Fabre de Montpellier.
Les puristes seront sans doute hébétés que j'ai envie de vous parler de ces deux peintres en même temps alors qu'à regarder leurs œuvres ils n'ont apparemment rien en commun. Bonnard est un artiste du début du XXe siècle et Buraglio un contemporain !
Pourtant je vous assure j'ai éprouvé une véritable émotion en découvrant la proximité de leurs démarches créatives respectives, dont le Mixed Media se nourrit me semble-t-il .
BONNARD
J'ai été touché par l'habileté simple qu'il met à ne nous rendre à aucun moment prisonnier de son tableau . Il invite notre regard à voyager à travers des scènes somme toute banales ,quotidiennes, anecdotiques dans « un temps suspendu » en train de s'enfuir, de s'éteindre.
Une fenêtre ouverte sur la rue mène notre regard dans un va et vient entre intérieur et extérieur , un miroir nous révèle l'envers du décor l'autre monde, une absence de contours où se diffusent les personnages et les choses nous laisse voyager dans la lumière de ses couleurs.
J'ai aimé sa démarche de création : il fixe sur des croquis et aussi avec des notes l'immédiateté de l'instant, ses sensations, son émotion.
Ensuite il laisse décanter, vaguer son imagination et ses rêves , une sorte de mise à distance avec le sujet qu'il va peindre.
Plus tard, dans son atelier, il recueille ce que sa mémoire affective lui redonne « sa lumière et son parfum »
Je vous livre aussi deux phrases de Bonnard mises en exergue sur le mur du musée:
« L'oeuvre d'art : un arrêt du temps »
« En peinture aussi la vérité est près de l'erreur. »
BURAGLIO
Les médiateurs du misée Fabre proposent des visites commentées et gratuites un dimanche par mois.
Je ne connaissais pas bien cet artiste contemporain dont certaines œuvres appartiennent à la collection permanente du musée.
La guide qui nous a fait découvrir cet artiste avait eu la chance de le rencontrer et de parler avec lui de son travail : quel beau moment nous a-t-elle avec talent fait partager. Je vous site la présentation de cette exposition :
Cet accrochage a été pensé en collaboration avec l'artiste et la Galerie Jean Fournier à Paris, non pas dans une logique de rétrospective mais comme un survol « En planeur » des différents moments de sa carrière. L'exposition embrasse d'un seul regard l'œuvre et la vie de l'un des artistes les plus inventifs de sa génération.
Son auto-portrait m'a ému : on ne voit pas l'entièreté de son visage ni de son corps, et il a écrit « que faire? »
Il se questionne sur comment faire de l'art aujourd'hui ?
Je crois qu'on le surnomme le peintre sans pinceaux.
« Je ne fais rien de spectaculaire » confie Buraglio qui navigue entre académisme et « bricolage »
J'ai été touchée par sa poésie du quotidien – comme par celle de Bonnard ,.
Il utilise des matériaux pauvres, des rebuts de notre société, des fragments de toiles, de papiers, de tôles qu'il juxtapose, agrafe, colle, recouvre, rature; C'est ce qu'il appelle « économie du pain perdu »
Comme Bonnard, il a une démarche créative très intéressante :
d'abord il glane geste modeste sans a priori en guetteur des traces laissées par ces contemporains il glane dans la rue, dans les usines, dans les ateliers de ses amis, partout où ses pas le mènent. Il accumule ainsi une foule de fragments de matériaux dont nous avons eu l'usage mais que nous ne voulons plus , ne voyons plus.
La seconde phase de son travail va être de trier , de choisir ce qu'il va utiliser. Il met en avant deux critères :
l'émotion que lui suscite l'objet trouvé
la potentialité plastique qu'il y voit
la troisième phase c'est son travail de composition de ces fragments de mise en scène de ses matériaux en fonction de ses émotions: recouvrements, masquages, caviardages, agrafages,collages
juste une petite explication pour « caviardage » c'est un terme qui vient de l'imprimerie qui a été le métier de Buraglio pendant sa période militante des années post soixante-huit
c'est le fait de raturer, de biffer des mots dans un article pour les censurer.
Voilà!
J'espère avoir réussi à vous communiquer tout le plaisir que j'ai eu à découvrir un peu mieux ces artistes dont les processus de création me semblent proches et inspirant, non?